C’est au sud de l’île de Fakarava que nous avons posé nos valises pour 3 jours de plongée sous-marine. La pleine lune est dans quelques jours et un événement majeur est attendu par 20 m de fond : la reproduction annuelle des mérous. Un regroupement qui attire des centaines de requins …
Fakarava, un atoll qui se mérite
Aller en Polynésie française implique un long voyage. Pour les Caribéens, il est en plus compliqué. Au départ de la Guadeloupe, il faut ainsi faire escale à Sint-Marteen, attendre plusieurs heures un vol pour Miami. Puis monter dans un Miami-San Francisco ou Los Angeles et enfin, après une longue attente, affronter un vol de 8 heures jusqu'à Papeete. C'est pour cela que nous avons pris l'option de faire escale à San Francisco quelques jours et de nous dégourdir les jambes en louant des vélos avec l'envie de traverser le Golden Gate Bridge ! Mais ça, c'est une autre histoire à découvrir ICI !
Une fois arrivés à Papeete, un autre vol nous attend, affrété par la compagnie locale Air Tahiti. L'organisation est ici bien rodée, l'accueil chaleureux et, grâce à nos licences de plongée, nous avons droit chacun à 5 kg supplémentaires pour nos valises. Intéressant quand on voyage comme nous avec les combinaisons, les palmes, les masques et plus de 10kg de matériel photo !
Notre avion passe d’abord par Rangiroa, un immense atoll doté d'un aéroport digne d’une maison de poupée. Puis, après 20 minutes, nous redécollons pour Fakarava, atoll encore plus sauvage et éloigné. L’aéroport a cette fois-ci la taille d’une boîte d’allumettes et il y règne une ambiance bon enfant parfumée de couronnes de fleurs. Ce trajet de 2h30 au total donne un avant-goût du paradis polynésien. Vus du ciel, les lagons varient entre le turquoise et l'émeraude, les ilets se parent de verdoyants cocotiers et les récifs freinent la longue houle venue du sud en cette période de l'année.
L’aéroport est au nord de l’atoll et notre pension située au bord de la passe sud, à 60 km. Le trajet se fait donc en bateau avec d'autres plongeurs arrivés des quatre coins de la planète. Le pilote, Moehau, est un robuste Polynésien qui connait bien cette immense mer intérieure et nous conduit en moins de 2 heures dans notre hébergement. Sur place, c’est une vie de Robinson qui nous attend. Et la rencontre tant attendue avec les requins de la passe sud.
Bienvenue au bout du monde
Ce qui est aujourd’hui la pension Motu Aïto Paradise a été créé il y a 40 ans par un Polynésien qui venait séjourner en famille sur ce petit bout de paradis perdu. Comme dans toutes les iles des Tuamotu, la construction a été pensée pour être en autonomie, car il n’y a ni eau potable ni électricité sur cette partie de l’atoll. Les livraisons se font ici en bateau, une fois par mois, quand la mer intérieure que constitue le lagon offre les conditions nécessaires. Car ce lagon, en raison de sa taille, peut générer des vagues de plus de 3 m et rendre toute navigation impossible. Et quand la barge d’avitaillement ne passe pas, il faut tout simplement attendre le mois suivant.
Le soir de notre arrivée, la barge tant attendue est arrivée vers 21h. Les hauts fonds l’empêchant de s’approcher, elle reste à quelques encablures du rivage et les transferts se font avec le bateau du club de plongée Top Dive jouxtant la pension, puis avec des brouettes. Y compris les énormes barils d'essence indispensables au groupe électrogène qui permet de regonfler les blocs de plongée et d’assurer l’électricité durant la journée. À partir du coucher du soleil, ce sont les batteries des panneaux photovoltaïques qui assurent le relais pour l’éclairage et les réfrigérateurs. Les vacanciers sont donc invités à recharger leurs appareils électroniques le jour uniquement. Pour nous, ce ne sera pas simple puisqu’après nos plongées du matin, il nous faudra tout recharger pour le lendemain, sur seulement 2 prises électriques.
Pour l’eau, nous sommes également incités à limiter nos douches et comme l’unique robinet qui assure la douche et le lavabo offre une eau plutôt fraiche, ce n’est pas trop difficile ! Il ne reste à ce jour que 2000 litres d’eau pour les 15 personnes hébergées sur place, les pluies ayant été rares cette année. Heureusement, la pièce nécessaire à la réparation du dessalinisateur doit arriver ce soir et les 2 citernes de 20 000 litres vont enfin pouvoir être remplies. Car le récupérateur d’eau de pluie installé sur la charpente principale et le petit « château d’eau » érigé derrière les farés ne suffisent pas à assurer les besoins de la pension les années de sècheresse.
Entre plongées sensationnelles et couchers de soleil flamboyants
Comment se déroule une journée dans la pension de la passe sud de Fakarava ? C’est le courant, entrant ou sortant, qui dicte sa loi. Lors de notre séjour, le courant entrant qui permet des plongées dérivantes sans risque est tôt le matin et le petit-déjeuner se prend donc à 7 h . À 7h30, nous embarquons sur le bateau de Top Dive pour une première immersion dans cette fameuse passe sud. Les mérous marbrés (appelés également loches) se regroupent ici quelques jours avant la pleine lune de juin (nous y sommes) pour leur reproduction annuelle et sont attendus par milliers. Ce qui attire leurs principaux prédateurs, les requins. L'immersion débute dans le grand bleu par 20 m de fond et les mérous sont bel et bien au rendez-vous et en nombre ! Il y en a tant que nous ne savons où donner de la tête pour faire des photos. Nous en sommes étourdis… Très vite, sur un tombant qui descend à 30 m, les premiers requins apparaissent. Nous voilà dans le fameux "mur de requins" mis en lumière par le film "700 requins dans la nuit" de Laurent Ballesta. Ils sont à droite, à gauche, dessus, dessous. Totalement indifférents à notre présence. Cela ne laisse aucunement place à la peur, nous sommes juste au cœur d'un spectacle magique, fascinant, unique. Les photos se révèlent difficiles à prendre, le courant nous entraîne vers l'intérieur du lagon et il est impossible de s'arrêter pour faire une mise au point. Je finis par éteindre mon appareil pour simplement profiter du spectacle et me laisser dériver au milieu de cette faune majestueuse. Nous ressortons le sourire aux lèvres, le cœur battant quelque peu la chamade, les yeux emplis d'étoiles ! Quelle plongée !
Mais la journée n'est pas terminée puisqu'une seconde immersion est prévue après la pause nécessaire entre deux plongées et un petit café bien mérité. Et le même programme sera reconduit pour les jours suivants, ce qui nous laisse le temps de nous adapter à ces plongées dérivantes.
Un tapis sous-marin de mérous
Durant ces trois jours à Fakarava, nous avons chaque jour observé avec la même fascination ces centaines de requins circulant calmement dans les eaux de la passe. Nous avons également rencontré des Napoléons majestueux mesurant parfois près de 1,50 m et vécu de véritables émerveillements quotidiens avec ces milliers de mérous chaque jour plus nombreux. Le dernier jour de notre séjour, le fond de la passe était un véritable tapis de mérous qui dissimulait les coraux pourtant très riches sur ce site.
Après chaque matinée de plongée, un bon repas préparé par Mamie, une Polynésienne au rire communicatif nous attend. C'est elle qui assure chaque jour la préparation des poissons crus, poulets à la sauce coco et autres plats à la Tahitienne qui nous régalent. Plus tard vient l’heure de la sieste, du tri des centaines de photos et vidéos réalisées le matin. Puis, au choix, balade d’un ilet à l’autre en traversant les petits bras de mer à pied, snorkeling dans le lagon ou certains soirs, feu de camp face au coucher de soleil. À 19h vient l’heure du diner, des discussions animées avec les autres convives, pour la plupart plongeurs, des récits et rencontres sous-marines du jour. À 20h, retour dans notre petit faré, un peu de lecture et à 21h, nous plongeons à nouveau, mais cette fois-ci dans les bras de morphée et sans demander notre reste.
Un site à préserver
La passe sud de Fakarava est aujourd'hui victime de son succès. Révélée au grand public par plusieurs documentaires diffusés ces dernières années, elle attire aujourd'hui de plus en plus de plongeurs du monde entier. Si les scaphandriers expérimentés s'intègrent parfaitement dans cet environnement naturel et connaissent les règles de base pour préserver les récifs de leurs coups de palmes, nous avons également observé des plongeurs peu avertis. Debout sur les coraux, accrochés tant bien que mal à des madrépores qu'ils finissaient pas casser, ces plongeurs pourraient participer à une dégradation rapide du site. Aujourd'hui plus que jamais, il appartient aux clubs de plongée présents sur place de s'emparer du problème et d'édicter des règles de bonne conduite. De limiter peut-être le nombre de participants, de mieux les former ou d'établir et de faire respecter une charte de bonne conduite. Car si la Polynésie semble aujourd'hui peu impactée par la perte de sa couverture corallienne ou par les épisodes de blanchissement corallien, elle doit dès à présent anticiper sur des événements qui, en 20 ans, ont ravagé les coraux des Antilles.
M.A
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