L’îlet Caret est un joyau naturel de la Guadeloupe qui attire depuis 50 ans marins-pêcheurs, locaux et touristes. Son cadre enchanteur permet des journées d’évasion entre eaux turquoise et sable blanc. Une carte postale menacée par l’érosion littorale et la dégradation des récifs qui est, pour la première fois de son histoire, fermée au public pour 4 mois.
Situé dans le Grand cul-de-sac Marin, l’îlet Caret est rattaché à la commune de Sainte-Rose et a été confié par l’État en 2010 à la protection du Conservatoire du Littoral. Il fait également partie de l’aire marine adjacente du Parc national de Guadeloupe et attire chaque année des milliers de visiteurs. Au fil des ans, cet îlet a connu une hyperfréquentation dans le cadre d’évènements nautiques, mais aussi, tous les week-ends, le débarquement de dizaines de personnes. Jusqu’alors protégé par la plus longue barrière de corail des Antilles, l’îlet n’a cessé depuis 20 ans de voir sa surface diminuer. Le récif s’est en effet fortement dégradé sous l’effet des pollutions, des cyclones, du dérèglement climatique et la surface de l’îlet est passée de 1,6 ha dans les années 60 à 4000 m2 aujourd’hui. Mais l’îlet est également mobile, changeant de forme et se déplaçant chaque année. Pour tenter d’enrayer sa disparition et la perte de la biodiversité qu’il abrite, la commune de Sainte-Rose a pris un arrêté de fermeture interdisant tout débarquement durant 4 mois*. Une décision qui pourrait bien être reconduite et modifier considérablement les usages du site.
Cependant, il est fort probable qu'une telle fermeture n'ait aucun effet sur la survie de l'îlet. En effet, le récif corallien du Grand cul-de-sac marin qui est la première barrière contre les vagues et les houles s'est fortement dégradé ces 20 dernières années et ne joue plus son rôle. Sous l'effet des cyclones, de la surpêche, des pollutions terrestres et du dérèglement climatique, 85% des coraux se sont dégradés au fil des ans. En en 2023, la canicule marine qui a frappé la Guadeloupe (et la Caraïbe dans son ensemble) a dévasté les 15% restants. Frappés par un épisode sans précédent de blanchissement corallien, les massifs coralliens ont subi une véritable hécatombe. Et sans cette barrière de protection, les îlets du Grand cul-de-sac marin n'ont que peu de chance de survivre à leur tour.
Adrien Baron, maire de Sainte-Rose : « Cette fermeture est un pari »
« L’îlet Caret fait partie du patrimoine naturel de la commune et par le passé, c’était un grand îlet. Les pêcheurs Saintois et Désiradiens y avaient construit une cabane dans laquelle ils dormaient lors des campagnes de pêche. Les Guadeloupéens sont toujours nombreux à y venir le week-end, mais sa surface diminue et le mouvement semble quasiment irréversible. C’est pourquoi cette année, il s’est révélé indispensable de le fermer pour lui donner une chance de se régénérer. Mais c’est un pari que nous avons fait, car les projections réalisées sur l’avenir de l’îlet sont pessimistes et ces 4 mois ne suffiront
certainement pas à endiguer sa disparition ».
Ferdy Louisy, Président du Parc national de la Guadeloupe : « Je reste confiant »
« L’érosion littorale touche tous les îlets du Grand cul-de-sac marin, mais l’îlet Caret est celui qui disparait le plus rapidement. C’est pourquoi depuis 2018 le Parc national a mobilisé tous les acteurs impliqués pour élaborer un Schéma d’Intervention Opérationnel pour la gestion durable du Grand cul-de-sac marin. Cette fermeture de l’îlet permettra de réduire les pressions et, à l’issue des 4 mois, nous évaluerons la situation notamment à l’aide de suivis réalisés avec des drones. Cette mesure pourra être reconduite, soit dans le temps, soit chaque année. À l’heure actuelle, je reste confiant.
Si nous mobilisons tous les acteurs, nous parviendrons à inverser la courbe de l’érosion ».
Medhy Broussillon, Délégué adjoint outre-mer du Conservatoire du Littoral : « Replanter pour rétablir les équilibres écologiques »
« Depuis la fermeture, nous avons procédé au démontage des cabanes sauvages installées au fil des ans par les usagers du site. Nous souhaitons également recréer 3 strates de végétation en favorisant un développement de la végétation rase. Patates bord de mer, pois sabre et pourpiers pour stabiliser le sable et plants forestiers qui assureront de l’ombrage et un abri pour la nidification des oiseaux. Après la fermeture, nous évaluerons l’état du site et définirons une stratégie d’accueil du public. Débarquement possible ou pas, nous ne le savons pas encore, mais si cela venait à être le cas, ce serait sans doute sur une zone limitée et avec des périodes annuelles de fermeture ».
Marie-Laure Ciprin, présidente du cluster Maritime de Guadeloupe : « Il faut arrêter d’opposer économie et écologie »
« Face à la dégradation de l’îlet Caret, les socioprofessionnels que je représente ont proposé des solutions il y a 3 ans. Le Cluster a travaillé sur un projet d’éco-plateformes maritimes installées avec un système de technopieux. L’objectif était que l’on ne débarque plus sur l’îlet afin qu’il reste une vitrine. Notre projet a trouvé son financement à 90 % et a même été validé par les ministères de la mer, de l’Outre-mer et de la Transition écologique, dans le cadre de l’appel à projet d’expérimentation des Plateformes Offshores Multi-usage (POMU). Nous n’avons malheureusement pas reçu, à ce jour, de notification concernant ce projet, de la part des services de l’Etat. Aujourd’hui, l’îlet est fermé temporairement et les prestataires touristiques sont inquiets de son devenir car il constitue un élément essentiel de
l’attractivité du Grand cul-de-sac Marin.
*Du 15 septembre 2023 au 15 janvier 2024
Mariane Aimar
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